Mortalité et Disparition des abeilles ?       - par Bernard NICOLLET, Abeille & Nature -


Date de révision: 23/05/2023

. La Mortalité des abeilles dans les ruchers: un sujet piquant

Année après année ce sont des années noires pour de nombreux apiculteurs qui découvrent un phénomène récurent de mortalité des abeilles sans trouver d'explication rationnelle. Un nombre impressionnant de colonies mortes ou portées disparues dans les ruchers est à déplorer dans tous les départements de France sans exception.

Apis Mellifera Melifera
Abeille s'il te plaît... Reste parmi nous !

Cette mortalité touche davantage les apiculteurs amateurs et de loisir que les professionnels. Pourtant, le premier constat laisse apparaître que les cadres de réserves de nourriture sont encore bien garnis tant en miel qu'en pollen. Dans le fond des ruches, tout juste une poignée de cadavres d'abeilles jonche le plancher. Où sont donc passées les colonies si populeuses en sortie d'été ?
De là, toutes les théories feront leur apparition sur la toile. Ce n'est pas parce qu'un apiculteur isolé, n'aura pas été affecté que cela remette en cause cette hécatombe.
Si vous interrogez à droite et à gauche, y compris votre véto, deux réponses vous seront alors données:

  • Une probable cause virale
  • quant aux apiculteurs la réponse : "Elles sont mortes du Varroa !"

Cause virale ?
Allons-y gaiement... !!!! Les labos sont de plus en plus nombreux à vouloire s'accaparer du marché des abeilles. Pensez-donc ! 56000 apiculteurs rien qu'en France; une manne bien bénie.
Le varroa ? Il a bon dos et on le colle à toutes les sauces (principalement de la perte), comme une sorte de réponse passe-partout mais est-ce fondé ? Existe-t-il d'autres pistes ?

Le varroa, une piste sérieuse vérifiable

Pour vérifier si une colonie est morte du Varroa pendant la phase hivernale, c'est assez simple. Vérifiez vos cadres de couvain et découvrez s'il reste des cellules de couvain non désoperculées, alors procédez à cette petite expérience:
Placez une feuille de papier blanche sur la table. A l'aide d'un cure-dents, désoperculez délicatement une cellule non ouverte du couvain et extrayez la nymphe morte qui s'y trouve tout aussi délicatement. Selon le degré d'infestation de la colonie, vous pourriez bien apercevoir un varroa ou deux dur l'abeille. Si rien n'est tombé de la cellule ou de l'abeille, placez votre cadre à l'horizontale pour faire tomber les éventuels varroas sur la feuille de papier.
Si vous en apercevez, alors c'est imparable ! Votre colonie est bien morte du varroa, malgré votre traitement automnal.
Deux questions sont alors à se poser:

  • Avec quelle variété d'abeille travaillez-vous ? Buckfast ? Carnica ? Hybridée ? etc .
  • Mon traitement effectué à l'automne serait-il inefficace ?

Un constat que je fais chaque année auprès des personnes catastrophées qui m'appellent démontre que dans près de 100% des cas, le rucher est composé essentiellement d'abeilles non endémiques. Je sais que ce propos va en faire bondir plus d'un et pourtant, c'est mon constat (en toute objectivité malgré ma position envers la Buckfast). Depuis près d'un quart de siècle, je constate que les abeilles allochtones sont en première ligne des mortalités quand on ne maîtrise pas de manière absolue le traitement contre le Varroa.
Ce sont donc les amateurs qui payent le plus lourd tribu face à la mortalité hivernale.

Pesticides ou pas pesticides ?

Si les pesticides sont hélas la cause essentielle de la mortalité des abeilles dans les zones de cultures céréalières, maraîchères, viticoles et arboricoles, que penser des zones de montagne jusque là épargnées ? Dans ces zones, effectivement, on ne peut pas incriminer ces pesticides pas plus indirectement que directement puisqu'ils en sont absents et pourtant, la mortalité des abeilles se fait ressentir au cours de chaque hiver, année après année et ne manière toujours plus conséquente et dramatique. On estime à 60% de taux de pertes hivernales chez les apiculteurs amateurs qui viennent en stage pour trouver une solution à leur problème.
Sans noircir le tableau, nous pouvons d'ores et déjà parler d'un taux supérieur à 60% de pertes pour l'ensemble des apiculteurs de loisir contre 15 à 20% chez les professionnels, ce qui est non seulement énorme mais catastrophique pour une filière déjà bien malmenée.

L'hiver 2017-2018, Comme beaucoup de mes amis apiculteurs, j'ai été fortement impacté avec la perte de plus de 320 colonies d'abeilles mais paradoxallement, seuls mes ruchers de montagne (mes ruchers les plus froids), n'ont pas été affectés. Faudra-t-il donc que tous les apiculteurs se réfugient en montagne pour voir survivre leurs abeilles ?
Paradoxallement, comment se fait-il que bon nombre d'apiculteurs aient perdu leur abeilles en montagne, dans des zones hors traitements ?
Je vous propose d'étudier mon analyse afin de vous aider à comprendre ce mécanisme complexe et certainement multifactoriel.

. Une explication sur les taux élevés de mortalité

Le plus difficile pour un apiculteur, est d'admettre ou de reconnaître là où il pèche. Que diantre me chante-t-il là penserez-vous peut-être ? Cependant, alors que vous pratiquez depuis plusieurs années une apiculture apparemment saine, voilà que vous n'échappez pas à cette mortalité.
Ce qui déroute le plus un apiculteur "débutant" (moins de 5 ans de pratique), ce serait la question suivante:
"Pourquoi ces colonies sont mortes et pas celle(s)-là ? (au sein d'un même rucher)... Je ne comprends pas... elles avaient pourtant des réserves..., je les ai traitées de la même manière..."
Et tandis que beaucoup se réfugieront derrière une agriculture assassine, tandis que pour d'autres ce seront les changements climatiques, les antennes relais ou d'autres causes, dans la réalité, la mortalité est essentiellement due à une convergence de plusieurs facteurs notamment liés à la conduite elle-même des colonies, conduite qui n'est plus en phase avec notre planète d'aujourd'hui. Seulement ensuite, nous pourrons ajouter éventuellement les pesticides ou d'autres causes.

importations d'abeilles
l'importation d'abeilles...
Une vraie problématique ignorée

En tout premier lieu, il nous faut admettre que les importations d'abeilles (tout comme les abeilles élevées ensuite sur ces colonies), ne font qu'apporter de multiples problèmes dans les apiers. Ce qui fausse bien souvent l'analyse, c'est que pour l'apiculteur de loisir qui a acheté ses essaims non pas par l'intermédiaire d'un importateur mais à un apiculteur voisin, lui laisse à penser que ses abeilles sont bien locales. Depuis les années 1970, il nous faut bien reconnaitre qu'on a laissé faire n'importe quoi en termes d'importations outrancières d'abeilles, dans l'irrespect total des espèces endémiques. Et puisqu'en France, on manque d'éleveurs d'abeilles, il devient donc "tout naturel" d'acheter des abeilles dans les pays voisins et trop souvent même, de bien plus loin. L'offre dans ce domaine ne manque pas à en juger les publicités reçues par mailing-listes. Et puisque l'apiculteur débutant (comme déjà expérimenté) n'a pas envie de louper sa saison il regarde quel "éleveur" ou apiculteur pourra lui proposer des essaims pour le tout début du printemps... Il zappe donc un premier point à cause de son... impatience !

Dresser un essaim demande du temps car de nombreux paramètres doivent être réunis. je ne vais pas réécrire ici ce que j'explique sur ce site à propos de la production de mes essaims, mais sachez, en racourci, que les essaims proposés tôt sur le marché sont soit:

  • - Des essaims de capture (essaims vagabonds)
  • - Des essaims hivernés (avec une ancienne reine)
  • - des essaims "d'importation", entendez des essaims produits dans des pays plus chauds, permettant une avance sur nous de plusieurs mois

Rien que le fait d'être dans l'un de ces 3 cas est déjà annonciateur de problèmes à venir.

. En quoi l'importation d'abeilles est-elle insidieuse ?

Si l'apiculteur assouvit sa soif de production de miel en ayant acheté des abeilles disponibles sur le marché, il faut comprendre que ces nouvelles colonies vont produire des mâles qui participeront à la fécondation des jeunes reines situées dans leur environnement. En se croisant avec nos espèces endémiques, il n'en faut pas plus pour dégénérer le patrimoine génétique d'abeilles ancestralement implantées depuis des milliers (millions) d'années.
Bien sûr, cela n'empêche personne de profiter des abeilles et de produire du miel, mais tout comme un cancer ronge petit à petit la personne atteinte quand celui-ci n'est pas traité radicalement, le mal est bien là, avec son travail de sape.

prédateur d'abeilles, le Varroa est un fléau qui décîme les colonies
Mortalité d'abeilles par le varroa...

C'est ainsi, qu'insidieusement dans les années 80, l'apiculture a été victime de l'invasion du varroa et de nombreuses maladies qui en découlent directement ou indirectement. D'autre part, les abeilles sont devenues de plus en plus nécessiteuses en termes de nourrissements et de traitements. Et Alors qu'une reine autrefois vivait allègrement 4 saisons, sa longévité s'est vue diminuer au point qu'au bout de deux saisons, l'apiculteur qui n'a pas procédé au remplacement de celles-ci, perd ses colonies.
Par conséquent, l'abeille existe toujours, c'est certain, mais elle est grandement fragilisée. A tel point que nous payons maintenant très chèrement le laxisme de l'apiculture française. Je vois d'ici une levée de boucliers d'apiculteurs qui vocifèreront "au scandale de tels propos" mais je les assume et soulève ce lièvre tout comme je l'ai fait il y a une quinzaine d'année quand j'ai mis mon cadre à jambage à la disposition du public apicole en dénonçant la rémanence des produits toxiques dans les cires des cadres. Remarquez, mieux vaut tard que jamais, mais il est si important de faire passer le message que je ne peux m'empêcher de prendre mon bâton de berger pour prêcher à qui veut l'entendre que c'est à la communauté apicole toute entière de réagir. Si nous poursuivons cette telle folie, l'abeille finira par disparaître et nos petits enfants ne deviendront plus des bergers des abeilles, mais des pilotes de drones !
Et alors que l'agriculture s'efforce sous la pression populaire de soigner son image de marque auprès des consommateurs, l'apiculteur quant à lui campe sur ses positions sentimentales, jugeant bonne sa conduite apicole. La Buckfast lui a tellement été recommandée qu'au fond, il a trouvé un certain intérêt à la conserver.
Quand ce n'est pas la Bucky, c'est la carnica ou l'italienne ou bien encore, vous savez cette abeille martienne qui produit mieux, qui est plus douce, qui est +++++ !

Les abeilles issues de près ou de loin de l'implantation humaine sont en grande partie responsables d'un affaiblissement du patrimoine génétique endémique, c'est un fait incontestable.
Ceci étant, cela a également impacté de manière directe le travail de l'apiculteur. Et alors que les papiculteurs se contentaient autrefois après la levée des hausses de couvrir la tête des ruches pour que les abeilles puissent bien hiverner, voilà que les nourrissements automnaux (quand ils ne sont pas hivernaux) ont fait leur apparition, puis, les traitements contre le Varroa et tout cela pour constater en février ou Mars, l'extinction d'un bon nombre de colonies dans les ruchers.

. A propos de l'Abeille Noire et la fragilité des non endémiques

Comme vous le savez, je suis un fidèle et farouche partisan défenseur de l'abeille noire, notre abeille ancestrale et endémique. Et bien sachez que depuis plusieurs années, je constate que la mortalité dans mes ruchers est toujours vérifiable sur les abeilles plus ou moins croisées ou hybrides. C'est ce qui me fait dire et écrire que ces abeilles là, sont beaucoup plus fragiles et sensibles que les noires endémiques.
Au printemps 2018, j'ai démarré la saison avec une mortalité intégrale de toutes mes colonies croisées. C'est donc une sélection qui s'opère naturellement.
Ce qui déroute l'apiculteur, c'est de n'avoir pas de traçabilité, car il constaterait que les abeilles les plus fragiles font partie de la seconde génération après croisement et parfois dès le premier croisement si celui-ci a été important.
Et alors que seules ont survécu mes abeilles endémiques, pas une colonie d'abeilles métisse n'a survécu. C'est dur, mais dans le fond, je n'ai pas été si surpris que cela. La nouvelle saison démarrant bien, j'ai pu reconstituer la quasi totalité de mon cheptel, mais il m'a fallu retrousser les manches pour en profiter pour rédémarrer avec uniquement de l'abeille noire.

Travail pré hivernal non fait: mortalités pendant l'hiver
L'hiver est là... trop tard pour intervenir

La plupart d'entre vous le savez maintenant, le 15 août 2017, ma Reine a connu un terrible accident de vie (AVC), ce qui a relégué mon travail en arrière plan. Rien ne pouvait concorder pour des coups de main proposés par de véritables amis apiculteurs qui se reconnaitront ici et que je remercie publiquement. Je pensais pouvoir dégager du temps avant l'arrivée de l'hiver pour enfin pouvoir "faire le job", tout au moins l'essentiel. Malheureusement, l'hiver est arrivé à grands pas, et jamais je n'ai pu disposer de suffisamment de temps pour soigner mes fifilles et les préparer à l'hivernage.
Puisque vous êtes en train de lire cette page, je vous propose une explication sur chacune de ces tâches non accomplies et de leur impact sur la mortalité hivernale. Puissiez-vous en tirer une ou des leçons !

La préparation à l'hivernage: une obligation pour tout apiculteur

Depuis 6 années, j'ai intégré à mon programme de formations apicoles un stage spécial de fin de saison pour tous les détenteurs de ruches. En effet, un certain nombre de tâches sont nécessairement obligatoires si on ne veut pas envoyer nos abeilles dans le mur. Comme vous pouvez le lire ici, je n'ai pas fait mon job (pas pu le faire), je l'ai payé cash et n'ai pas été épargné ! Cela renforce donc ma conviction de ce que j'enseigne chaqe année en septembre depuis 6 saisons.
Avant même d'incriminer les agriculteurs et leurs pesticides, avant même d'incriminer les changements climatiques et tutti quanti, Vous devez comprendre que nous devons impérativement effectuer un certain nombre de tâches pré-hivernales. Le mois de septembre est toujours un mois chargé pour l'apiculteur alors que paradoxalement, il se remet généralement de sa saison et relâche sa vigilance. C'est souvent hélas tardivement, à l'arrivée du froid qu'il se pose des questions et découvre que ses abeilles sont dans le besoin. De là, il entre dans le n'importe quoi tardif, d'autant plus qu'il est souvent influencé par ce qui se dit sur la toile !
Je pense qu'il vous intéresse d'étudier ici ces différents facteurs. Votre propre réflexion sincère vous permettra de savoir là où vous auriez pu pécher

Tâches indispensables à la mise en hivernage

Je les cite ici dans l'ordre chronologique et non pas par ordre d'importance. Il ne s'agit pas là d'une prescription de travaux à accomplir d'office mais seulement à effectuer quand les abeilles en ont réellement besoin:

  • - Nourrissement entre la fin août et fin septembre
  • - Traitement du varroa
  • - Equilibrage des colonies (obligatoire)
  • - Partitionnement (obligatoire)
  • - Réduction des portes d'entrée (obligatoire)
  • - Inclinaison des ruches (obligatoire)
  • - Enfin, toutes ces tâches doivent impérativement être terminées au grand plus tard à la fin de la première semaine d'octobre
Venez apprendre comment...
Venez apprendre les bonnes pratiques
Ne faites pas de raccourcis

Vous trouverez les explications détaillées dans la 3ème édition de mon livre "Comment débuter en Apiculture ?", ouvrage qui n'est pas destiné aux seuls débutants mais à tout apiculteur en proie à la perte de ses abeilles.
Vous pouvez également vous inscrire à mon cours d'apiculture en ligne car il est actualisé et traite de ce sujet préoccupant.
Enfin, sachez que mon stage de septembre traite sans retenue des différentes tâches que nous avons à accomplir avant de prendre un repos bien mérité.
Enfin, à l'attention des personnes ayant effectué un stage de fin de saison, je rappelle qu'après le 7 Octobre, on ne touche plus aux ruches ! (Cela va malheureusement à l'encontre des courants qui circulent sur la toile et qui

J'espère que ce billet vous aura été utile pour méditer sur le travail de fin de saison, car OUI, nous avons un gros boulot à accomplir. Sans cette attention particulière pour nos abeilles, il ne faut pas s'étonner de les perdre, surtout quand un hiver dur survient ou joue les prolongations.

Mon pavé dans la marre

Mes détracteurs verront dans ce paragraphe, une ennième façon de faire la promo de mes bouquins, mais OUI, ici, je tiens à vous encourager à en lire un particulièrement

Donnez du sens à votre Apiculture !
Venez apprendre les bonnes pratiques
Ne faites pas de raccourcis
puisqu'il s'agit de mon tout dernier ouvrage en date. Mon "pavé dans la marre " de cette apiculture conventionnelle stupide, guidée par le n'importe quoi et en tous les cas, par des apiculteurs autodidactes refusant de comprendre et de se former et induisant grand nombre de Bergers dans le précipice.
Combien en coûte-t-il de perdre des colonies quand il devent impératif de racheter des essaims qui ne produiront pas cette année... Et puis, quoi faire ? Recommencer à perdre jusqu'à ce que vous jetiez l'éponge ? Libre à vous mais dommage que j'habite trop loin de chez vous car je serais bien venu me remplir les poches, non pas avec la maigre marge d'un livre, mais de l'argent que vous jetez par la fenêtre !
Investissez 35 € pour vous rendre compte combien notre apiculture est basée sur du sable ! Cliquez ici.
Dans cet ouvrage, je ne me contente pas de critiquer ! Je propose des alternatives...

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