Essaims bio : une aberration ? - par Bernard NICOLLET, Abeille & Nature -
Date de révision de la page: 28/02/2023
. L'apiculture bio a-t-elle du sens ?
. La nature n'est-elle pas bio dans l'âme ?
Il y a quelques années, quand les premiers apicuteurs "bio" se sont lancés, on peut affirmer que la démarche n'avait qu'un sens business car cela faisait rire tout le monde (en apiculture). Que diantre ! Voici que les abeilles qui sont dans la nature ne butinent plus des fleurs sauvages, des nectars ou miellats 100% naturels ?
La mécompréhension de beaucoup les incitait à dire : "Allez interdire à une abeille de ne pas aller butiner là mais seulement là !
Si l'apiculture n'est pas au bio à 100% c'est en grande partie dû à la très mauvaise communication de l'Agence BIO (celle qui régit les textes). En effet: allez dans une grande surface et arrêtez-vous un instant au rayon des produits bio. Trouvez une ménagère qui essaye de décortiquer une étiquette et posez-lui la question "Que signifie "Bio" pour Vous ?
Vous pouvez parier avec 99% de certitude qu'elle vous répondra "Parce que c'est pur !"
Et voilà.. parmi les réponses qui vous seront faites, c'est ce que vous rétorqueront la majorité de ces personnes, tandis que certaines autres vous répondront : "Parce qu'il n'y a pas de pesticides"
CQFD, Le mot "BIO" est trop souvent identifié ou emporte l'idée de l'adjectif "Pur"
Parce que c'est Bio, ce serait plus Pur ?
Dans la réalité, un produit bio n'est pas forcément plus pur qu'un autre (non bio). Cependant, son producteur s'engage normalement à respecter un cahier des charges qui définit un certain nombre de règles qui doivent être respectées. Alors OUI, les apiculteurs qui produisent leur miel dans des campagnes pas toujours saturées de cultures conventionnelles n'auront pas tord de répliquer que leur miel vaut bien celui du voisin arborant le précieux sésame "AB" mais il n'empèche que le consommateur (essentiellement citadin) accordera sa préférence au produit labellisé, quitte à payer plus cher.
. Le BIO: un business ?
Oui, pour la majorité des apiculteurs. Après tout puisque le consommateur réclame le label (tant il est bassiné par les médias que le bio est en forte progression), pourquoi aller à contre-courant ?
Comme la plupart des apiculteurs des campagnes, je me suis bien moqué de cette communication. Bien avant que le BIO ne fasse son apparition en apiculture, je travaillais déjà à une apiculture naturelle et surtout plus respectueuse des abeilles. En 2005, j'ai mis à la disposition du public apicole, mon fameux cadre à jambage. Déjà à l'époque, je dénonçais la rémanence des pesticides et autres produits de traitements dans les cires gaufrées. Evidemment, à l'époque, pourtant pas si lointaine, tout le monde temporisait, surtout chez les ciriers qui freinaient des 2 pieds pour que le cadre à jambage ne vit pas le jour.
Et puis un jour, comme je produis (mes abeilles produisent) de la propolis, un de mes clients (un laboratoire pharmaceutique) m'a mis le couteau sous la gorge en m'imposant de produire BIO avec certification sous peine de le perdre. Comme s'ils s'étaient tous passés le mot, toutes les demandes tendent à la même chose: "ON VEUT DU BIO... On veut du BIO". Pensez donc !
Un système qui s'autoflagelle tout seul, car pour avoir le label, il faut que les ingrédients qui entrent dans une composition pharmaceutique... soient également labellisés.
. Loin d'un système.. proche d'un autre
Si l'idée première du BIO était bonne, surtout face à une agriculture de plus en plus menottée par les produits phyto et autres, le BIO de nos jours est devenu une véritable "religion" uniquement orientée business ! Houlà... je vois déjà les puristes préparer leurs cagettes de tomates et d'oeufs pourris de 100 jours.
Ne vous méprenez pas sur mon propos. Je salue les puristes car ce sont eux qui ont en grande partie raison. En grande partie seulement, car malheureusement, la Charte Bio englobe également ses aberrations
Bien entendu, cela ne veut pas dire que tout le monde entre ou compose avec ces non-sens. On peut toujours les refuser mais seulement jusqu'à un certain point.. faute de quoi, on perd le précieux label.
Un système qui coûte cher !
Alors qu'on devrait faire payer les utilisateurs de pesticides, c'est tout l'inverse qui se produit... Et par ici la monaie ! Car effectivement pour valider votre bonne conduite, il faudra bourse délier. Voilà un paradoxe qui passe sous silence: Le producteur qui s'efforce de produire meilleur doit PAYER pour démontrer qu'il produit bon. Il en coûtera chaque année au tout petit apiculteur environ 600 € pour entammer une phase d'une année de reconversion. et puis chaque année, il lui faudra repasser à la caisse.
Mais pire pour sa bourse ! Il va lui falloir remplacer un bon nombre de matériels devenus "interdits" en Bio...
"Et oui... mais vous allez vendre plus cher et plus..." vous rétorquera-t-on. Tiens donc ! pour compenser, il faudrait produire plus ? N'est-ce pas en opposition justement avec "l'esprit bio" ?
. Quelques aberrations qui méritent un arrêt sur image
Si toute chose est perfectible, même le bio l'est (en espérant que !)
1/ Pas de plastique dans les ruches !
Les ruches doivent être bâties dans un matériaux majoritairement naturel... On exclue donc le plastique. Oui mais voilà, de nos jours, et principalement à cause du prédateur de l'abeille (le varroa), le plancher des ruches est devenu idéalement fait en plastique. On a donc autorisé le fameux plancher plastique Nicot à équiper les ruches bio puisqu'il y allait du bien être de l'abeille
2/ Mettez-moi un nourrisseur Propre !
Puisque les nourrisseurs des ruches composés en bois essentiellement étaient trempés dans de la paraffine (produit d'origine pétrolière), on a également autorisé les nourrisseurs en plastiques, jugés et reconnus comme plus sains pour nos abeilles chéries.
A la question: "donc, on autorise le plastique en bio ?" voici un raisonnement pour le moins surprenant. Mais soit relevé au passage que le mot "nourrissement" fait également son entrée (!)
Un corps de ruche en plastique ?
Touche pas à mon label ! Des caisses en bois, pourries OUI, une caisse plastique NON !
Je ne réécrirai pas ici ce que j'ai largement commenté à propos des ruches NICOT, mais il est clair que les ruches en PEHD valent bien mieux que la plupart des caisses bois "inentretenables" sauf chez les plus fauchés d'entre nous.
Je me souviens avoir posé la question à l'organisme certificateur pour leur demander "Pourquoi un tel refus ?"
La éponse qui m'a été faite à l'époque était à peu de chose près ceci:
"Si on ajoute un corps en plastique la superficie interne de la ruche est alors supérieure à la superficie qui correspondrait à la moitié de la surface totale. Donc, la ruche ne serait plus majoritairement faite de matériaux noblement naturels".
On voit bien ici le dialogue de bureaucrates ou de réfractaires à la matière plastique.
Mais si je voulais aller dans ce sens, je devrais dans un dialogue de sourds rétorquer que les abeilles ne vivent pas sur le corps de ruche mais sur leurs rayons de cire, qui, dans le cadre d'une ruche NICOT (pour ne pas la citer) représenterait alors dans sa globalité une superficie bien inférieure à la moitié de la superficie totale interne, ce qui collerait parfaitement avec les textes !
3/ des contenants en plastique !
Le plus surprenant est que les abeilles n'ont pas le droit de loger dans une ruche plastique (PEHD), mais en revanche, de manière totalement naturelle, elles se réfugient dans des cheminées, derrière des volets défraîchis pas toujours peints avec des peintures à l'eau, des réservoirs de camion, etc. etc...
D'accord..., l'exploitant apiculteur Bio ou pas, n'élève pas ses abeilles dans de tels lieux mais:
Où est donc le naturel ? Bon allez, je suis bon perdant et je me dis qu'après tout, il vaut mieux couper un arbre pour faire une ruche et du bois de chauffage et ainsi, je respecte la charte. Mais QUID du miel récolté ? Tiens donc, le bureaucrate a autorisé le contenant du produit vendu comme "BIO" dans un seau en plastique ! Cela ne voudrait-il pas se traduire par l'évidence que le BIO se contrefiche de votre santé ? A quand le miel vendu dans des contenants en bois ? (J'ai bien connu l'époque des Saint-Bernard avec leur tonnelets de rhum... mais peut-être que Saint Bernard que je suis ne vous vendra pas son miel ainsi.. :) (c'est de l'humour au cas où... allez-y, lancez vos tomates maintenant)
4/ une abeille pas respectueuse...
Pour moi, la cerise sur le gâteau c'est le fait que les bureaucrates du bio font ce qu'ils veulent et s'assoient bien souvent sur le coté respectueux des espèces. Par exemple, on autorise les apiculteurs BIO à avoir n'importe quel type (race) d'abeilles, après tout, tant que ce sont pas des drones... (pour l'instant)
On se contrefiche des abeilles endémiques et on autorise par ce biais l'apiculteur bio à tuer les abeilles endémiques de son voisin pas forcément BIO mais qui lui, respecte vraiment la nature. Alors le prétexte invoqué serait lié à la raréfaction de l'abeille endémique ? De qui se moque-t-on ?
NB pour les néophytes
Plus de 90% des apiculteurs (bio y compris) utilisent une abeille hybride "la Buckfast". Or, il s'agit d'une variété d'abeilles allochtone et exogène, de surcroît invasive et particulièrement néfaste pour notre espèce endémique "L'abeille Noire".
Pour en savoir plus à ce sujet, je vous invite à nous rejoindre sur le site de notre association des Bergers des Abeilles ®
5/ La transhumance et le bio..
Une autre cerise: Le bio autorise les transhumances ! Bon, d'accord, à condition que le nouvel environnement temporaire des abeilles soit identifié dans la charte de l'apiculteur bio. Personnellement ce qui me gêne le plus, c'est le fait de transhumer. Dans la nature, les abeilles ne transhument pas à plus de 3 kilomètres ! Si elles ne sont pas satisfaites de l'endroit où l'apiculteur les a implantées, elles fichent le camp pour ne pas revenir.
Pour moi, la transhumance ne fait pas partie d'une apiculture naturelle. En fait, on déloge temporairement les abeilles pour produire. N'est-ce pas contraire à "l'Esprit Bio" ? Il faut croire que non visiblement.
Et c'est ainsi que le bio s'assoit !
J'ai relevé pas moins de 27 aberrations qui ont de quoi faire hausser les épaules du petit apiculteur local. Cela n'est pas sans me rappeler la disparition des Burons du Larzac ou de l'Aubrac ou encore du Massif central. On a tué et enterré ce patrimoine au profit de laiteries industrielles qui toutes, revendiquent des labels à gogo. Qu'y avait-il de plus naturel qu'un fromage des burons ? Le chanteur disparu chantait à propos des vins de pays reculés de son Ardèche chérie, loin des AOC, "C'était une horrible piquette... mais qui faisait des centenaires à ne plus que savoir en faire..." Place donc au business.
Je n'échapperai pas à la règle mais...
Ainsi va le monde.
Pour moi, l'apiculture Naturelle a plus de sens que toutes ces tracasseries administratives souvent érigées par des gens intéressés et distributeurs de labels à pognon comme un impôt au droit de "produire sain aux yeux de la population".
Je pense qu'un jour, le consommateur comprendra mieux le "Bio dans l'âme avant le label" mais qu'importe aujourd'hui puisque la compréhension n'est pas au rendez-vous autrement que par un dictat des lois de marché.
Puisque l'Apiculture Naturelle n'est hélas pas reconnue du grand public ni des consommateurs, l'apiculteur est condamné à aller dans le sens du poil ou.. disparaître. Vous souhaitez me soutenir ? Alors vous êtes vraiment le ou la bienvenue. En achetant notre miel respectueux de nos abeilles tout autant que de vous-mêmes, vous nous aidez d'une manière directe à maintenir la tête hors de l'eau - Merci
Alors que je devrais déjà être en retraite depuis quelques années, je continue à m'occuper de mes abeilles, et ce, tant que Dieu me prêtera vie.
Et tandis que Christine et moi avions décidé d'entamer une reconversion en bio pendant 4 années (surtout pour répondre à l'imposition qui nous est faite par nos clients laboratoires), Nous avons jeté l'éponge tant c'est une abération.
En définitive, même le certificateur l'a reconnu, notre pratique est très largement au-dessus de ce qui est demandé en bio.
Notre fille nous rejoint...
Et, alors que je m'apprêtais à fermer la boutique faute de repreneur, notre fille Sarah nous a fait connaître son désir de poursuivre ce dans quoi j'ai servi pendant un quart de siècle: le bien-être des abeilles et la défense de notre abeille endémique, l'abeille noire.
C'est reparti pour un tour ! Quand bien même, âge aidant, mon activité ne sera pas l'équivallent des efforts consentis.
Je vais poursuivre la formation apicole à ses cotés avec Abeille et Nature (car ce n'est pas avec la maigre retraite arrachés à ce système mafieux des caisses que...) Une poursuite m'engageant toujours plus pour les abeilles endémiques, leur défense et faire en sortes de poursuivre mon enseignement sur les lois du naturel, porteuse d'un vrai message pour l'humanité.
Je souhaite du plus profond de mon être, que les apiculteurs bio (ceux qui le sont profondément dans l'âme), soient d'abord des gens respectueux de la nature en jouant un premier rôle de protection de l'abeille endémique. Qu'ils pratiquent la "culture" (connaissance respectueuse) de l'abeille putôt que l'Apiculture (exploitation productive). La Buckfast, elle, tue l'abeille endémique et ne produit en tous les cas pas plus que la Noire. Certes, elle fait de beaux placards de ponte sur les cadres mais cette "bête à viande" est aussi une bête à sirop, à varroas et surtout mortalités !
Posez-vous enfin cette question:.
Si cette abeille (buckfast) est plus douce que l'endémique, pourquoi auriez-vous besoin d'un scaphandre pour vous protéger de ses piqûres ?
Ne croyez pas la justification des ragots qui veulent faire croire à la douceur de cette abeille de Buckfast. L'abeille endémique, elle, n'est pas plus agressive mais tout à l'inverse une vraie "semi-domestique". J'ai écrit spécialement un article pour faire réagir les apiculteurs: prenez-en connaissance ici
Engagez-vous dans le combat de la défense de l'abeille noire car l'enjeu est énorme même si vous n'en voyez pas immédiatement l'intérêt, et faites tout votre possible pour lutter contre son extinction. Les générations à venir pourront à ce seul effort de notre part, jouir d'une apiculture saine et naturelle, produite avec des abeilles et non des drones ! Là est le véritable premier point du vrai "BIO", soyez en conscients !
En tous les cas, C'est le message que je porte dans la signature de ce site web, dans ma vie de tous les jours et mes ouvrages que je vous dédicacerai jusqu'à la fin pour vous encourager dans ce sens.
En attendant, que vous soyez d'accord ou pas avec ma vision des choses, merci à vous d'avoir pris un peu de votre temps pour me lire jusqu'ici.
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