Miel Equitable ou une apiculture équitable - Par Bernard NICOLLET Apiculteur éleveur -
Date de révision: 26/11/2020. Peut-on parler d'une Apiculture Equitable en France ?
Depuis quelques
temps, on parle du commerce équitable, des produits équitables.. mais de quoi s'agit-il ?
Il s'agit en fait d'accepter de payer un peu plus cher certains produits ou denrées alimentaires afin que
leurs producteurs directs puissent percevoir un salaire qui leur permette de vivre décemment de leur travail. Ainsi, les circuits
traditionnels de marchands importateurs et exportateurs qui eux, travaillent avec des marges colossales et s'enrichissent sur le dos
de ces petits producteurs commencent à être bouleversés.
Ce type de commerce tend à être plus un commerce direct de type producteur -> consommateur ou Producteur -> Revendeur
Si cette forme de commerce invoque toujours l'idée de pays plus ou moins sous développés, il n'y a pas de raison qu'il n'en soit pas de même en
France où en matière d'apiculture, le miel n'est pas rétribué à sa juste valeur, imposant aux apiculteurs la terrible loi du marché
mondial. Pourra-t-on un jour parler d'apiculture équitable ou de miel équitable ?
En France nous sommes touchés depuis quelques années par le SEAF entendez "Syndrome d'Effondrement des Apiculteurs Français".
Quand un apiculteur vend 1 Kg de miel, on peut pour le même prix en importer 3,7 Kg de Chine (frais de transport inclus) c'est à dire presque
quatre fois plus. Dans le rayon du super marché, la différence de prix est tirée vers le bas toujours et toujours obligeant l'apiculteur
local à s'aligner avec celui de la grande surface. Malheureusement, à ce petit jeu, c'est l'apiculteur qui en fait les frais et il ne
lui reste plus pour lot de consolation que de se contenter des miettes. Mais peut-on pour autant incriminer le consommateur pour qui le miel
n'est pas un produit de première nécessité ?
Cela démontre bien qu'entre le producteur et l'acheteur final, c'est à dire nous les consommateurs, les circuits de distribution s'enrichissent à notre détriment sur le
long terme car ils possèdent une capacité à réduire encore plus leurs marges..
L'Apiculture française s'effondre ! Vous me direz: "comme il en est de même dans bien des domaines hélas". C'est vrai.. Par le levier d'un effet de mode: le Commerce équitable, on
va acheter ailleurs ce que l'on pourrait acheter chez nous. Avez-vous déjà vu un apiculteur rouler en Rolls ou en Ferrari ?
Connaissez-vous des apiculteurs aux demeures somptueuses ? Le miel français a besoin de votre soutien, pensez-y lors de vos prochains achats et surtout, Lisez bien les étiquettes. Boycottez les miels dont
l'étiquette indique autre chose que "miel de France" ou récolté en France, autrement dit, pour plus de sûreté, achetez votre miel directement chez l'apiculteur du coin !
. Le miel, un marché mondial loin devant nous
La filière mondiale du miel s'est établie. Certains pays comme l'Argentine, le Brésil, Taiwan et autres, n'étaient que très peu présents à l'exportation il y a une dizaine d'année. Aujourd'hui, quel miel de grande surface ne provient-il pas d'un de ces pays qui sont passés au premier plan international ? Si le consommateur un tant soit peu regardant tente de boycotter les miels chinois, les pays dont je viens de parler ont tout misé sur la qualité. Ainsi, le piège se referme sur l'apiculteur français qui tente de produire un miel de qualité aux normes internationales. Mais comment voulez-vous lutter contre des prix à moins de 2€ le kilo avec certificat BIO à la clé, rndu au Port du Havre ? Cela ne représente même pas le coût des charges de l'apiculteur français.
Promouvoir la qualité était peut-être chose compréhensible face aux miels chinois, en revanche, c'est peine perdue avec les miels argentins, brésiliens et taiwanais qui se sont engouffrés sur cette brèche en organisant, bien mieux que nous Gaulois, leur filière miel.
Alors quand je vois le travail de sape supplémentaire de nos gouvernements et principalement du dernier en date, qui alourdit charges et impôts au lieu de secourir, on se demande bien pour qui ils roulent ?
On continue de marcher sur la tête et aujourd'hui, force est de constater que l'apiculteur français est vraiment non seulement à la traine mais sacrifié sur l'autel du "je brade tout !".
La mondialisation est en train de tuer le petit pour ne laisser que la plus grosse part du gâteau au commerce international ainsi qu'au monde de la finance. Des règles se mettent en place non pas pour défendre le petit producteur local qui propose un produit de terroir, mais justement pour le tuer, afin qu'il ne vienne pas entraver cette immense toile qui se tisse actuellement. Tout le reste n'est que du vent et paroles en l'air.
De nombreuses personnes qui m'interrogent à propos de leur envie de s'établir en apiculture pour en faire leur revenu n'ont pas conscience de ce qui les attend. Pourtant, il y a de la place pour qui veut s'établir mais le pourra-t-il ? En achetant un miel à l'importation en dessous de 2 euros, les grandes surfaces se gavent en marge et sont capables de revendre le miel à un prix qui ne couvrirait même pas les frais de gas-oil de l'apiculteur. Quand celui-ci proposera son miel à 15 euros le kilo (prix déjà vraiment très bas), ce sera déjà trop cher pour la ménagère dont le budget se resserre chaque année.
Je pense qu'il n'y a plus pour l'apiculteur français que la possibilité de promouvoir un produit spécifique vraiment haute de gamme, ce que ne peuvent pas faire justement pour l'instant ces marchands de la Planète.
Malheureusement, avec des biotopes qui s'effondrent, comment produire dans cette niche ? Il va y avoir (je ne parle ici que de l'apiculture), un grand nombre de laissés pour compte dans les toutes prochaines années. Alors oui, s'adapter.. mais s'adapter à quoi et comment ? Ce ne sont pas les politiques qui connaissent nos petites bébêtes indispensables à la survie des populations à venir puisqu'ils roulent eux, pour les grands groupes mondiaux. Le système est devenu fou et ceux qui sont en roue libre n'en ont plus pour longtemps avant d'être laissés au bord de la route.
S'il vous plaît, Achetez votre miel directemengt aux petits apiculteurs !
L'apiculture ne se résume pas simplement au miel.
D'autres produits comme la gelée royale, la propolis, la cire, le pain d'abeille et la production
d'essaims sont des produits de plus en plus issus de l'importation. Comment en est-on arrivé là ?
C'est justement parce que les importateurs de ces produits réalisent de grands profits qu'ils ont pu développer ce business au détriment des producteurs locaux à qui
il ne reste plus que l'argument de dénigrer la production à bas coût prétextant que la qualité n'y est pas ce qui n'est pas toujours un argument juste.
J'ai personnellement visité en Chine, un laboratoire de production de gelée royale, et bien je peux vous assurer qu'on entre pas dans la partie laboratoire
comme cela. Salle blanche, inox à tout va, équipement du personnel, conditions d'hygiène etc.. De plus, la récolte de gelée royale dans les ruches éleveuses répond à un
cahier des charges axé sur la rapidité du circuit court de la ruche jusqu'au labo afin de conserver ses propriétés intrinsèques . Bref, une organisation industrielle qui ne laisse
aucune chance à un producteur français si ce n'est que par le biais d'un Groupement de Producteurs de Gelée Royale (GPGR) qui tente à faire valoir qu'il
s'agit d'un produit français et quelque part.. s'accrocher pour faire chanter le coq. Mais au fait, de nos jours, qui connaît le coq ? ;)
Devant un commerce qui devient totalement mondial l'apiculteur français se retrouve très défavorisé et réagit malheureusement en baissant son prix de vente. Mais vend-il plus de miel pour autant ? Je trouve aberrant que ce soit justement les apiculteurs qui fassent leur propre malheur contraints et forcés par la loi du marché. Combien vivent réellement de leur production ? Pas tant que cela en réalité et parmi les "vendeurs de miel", beaucoup vendent plus que ce qu'ils produisent eux-mêmes autrement dit, ils ont recours à des achats de miels pour la revente. Pourtant quand on analyse les fondamentaux du commerce équitable, bon nombre d'apiculteurs français méritent le soutien de la part des consommateurs. Malheureusement, le consommateur ne lit pas souvent les étiquettes et n'achète pour la plupart du temps que des produits importés (bas de gamme). Autant mettre du sucre blanc ce qui ne changera pas grand chose au fond et ce sera encore moins cher qu'un miel de M.. "mauvaise qualité" !
Comment parvenir à s'en sortir ?
En temps qu'éleveur professionnel en apiculture, j'ai pris le risque de vendre mes essaims à un prix juste et dirai-je "équitable". J'entends par là,
que j'ai pris un papier et un crayon, et j'ai procédé au calcul du prix de revient de mes essaims et de mon miel. En appliquant une
toute petite marge pour tenir compte des années de vaches maigres, on est loin de rouler sur l'or.. On boucle tout simplement ! Bien que je ne m'interroge plus sur
les gens qui vendent bien en-dessous, je refuse de vendre mes essaims et mon miel à un prix du marché mondial sinon; d'une part je n'aurai
pas pu tenir mes quinze années d'apiculture et d'autre part, si je le faisais maintenant, il ne me resterai pas longtemps à tenir avant de mettre la clé sous la porte. Mon prix de vente tient
compte des charges sociales, TVA et autres impôts, de la valorisation de mon travail même si toutes mes heures sont loin d'être rétribuées. C'est sûr, mon miel ne sera jamais en
grandes surfaces.. "trop cher" me dit-on.. "La qualité, on s'en fout", me dit-on ailleurs, "même s'il n'y a pas de traces de pesticides", "ce qu'on veut c'est un
prix de marché, un prix compétitif" ! Et bien je préfère sortir du lot et chercher des clients qui ne se fichent pas de la qualité quittes à en consommer moins.
On me reproche aussi peut-être de ne pas être toujours disponible instantanément au téléphone, j'en conviens, mais j'ai choisi une forme de travail qui me vaut d'être en saison
sur le pont depuis le lever du jour jusqu'à la tombée de la nuit. Heureusement, il y a Internet qui prend le relais de ma
boutique et qui me permet de répondre à mes clients. Une de mes meilleures récompenses, c'est de m'entendre dire
que notre miel est un véritable "nec" et voir nos clients revenir ou repasser commande par la boutique. Quel réconfort dans un monde où tout est tiré vers le bas et où on se fiche de la qualité quand on ne cherche
que le goût du sucré !
En basse saison, c'est un peu différent, Christine et moi disposons d'un peu plus de temps. Bien que celui-ci soit consacré en
grande partie à la rédaction des nouveaux articles du site internet, à la rédaction des cours et à la préparation des stages de formation, je parviens à répondre personnellement
à pas moins d'une quarantaine d'e-mails par jour. Depuis le 1er janvier, le site reçoit quotidiennement la visite de plus de 1000 personnes (moyenne par jour sur l'ensemble de l'année - chiffres
2012-)
Depuis mon entrée en apiculture, mon enrichissement personnel n'est en hausse que dans un seul domaine: celui de participer au
retardement du mur vers lequel l'apiculture fonce.. C'est la raison pour laquelle je m'indigne contre le pouvoir politique qui n'a rien à faire de nous si ce n'est qu'une mesurette ou deux par ci par là mais pas de
quoi réinverser la courbe descendante constatée depuis plusieurs années.
En matière de "vivant", les abeilles dont Dame Nature me donne la responsabilité de développement dans mon petit coin, me le rendent au centuple et me récompensent de loin
comparativement à des abeilles d'importation non adaptées à notre climat et nos différents biotopes.. Les abeilles qui viennent de l'extérieur ne sont pas pour autant de mauvaises abeilles ou de
qualité inférieure.. elles sont souvent mises malheureusement en difficulté car elles sont loin de pouvoir s'adapter quoi qu'en disent ceux qui font taire leur
conscience.. D'autre part, elles contribuent à casser le patrimoine génétique de nos abeilles de terroir et d'antan.. mais qui s'en soucie ?
Pour ce qui me concerne, ma clientèle est justement une clientèle soucieuse de tous ces problèmes et je l'en remercie en faisant l'énorme effort de "produire français" des essaims de
qualité avec une abeille ancestrale (dite abeille noire), parfaitement adaptée à notre terroir français. Je sais que bon nombre de "pseudo apiculteurs" rageront de lire ces quelques lignes mais que
m'importe ? Le comble de cette situation est que chaque année, je manque d'essaims parce que ma clientèle, qui vient essentiellement maintenant par le bouche à oreille,
(je veux parler de celle qui en définitive achète, non pas celle qui papillonne uniquement sur l'internet en quête du meilleur prix) est avant tout une clientèle qui a pris le temps de la réflexion
et qui approuve ma démarche. Je ne cherche pas de plaire à tout le monde.. Je cherche une clientèle qui me corresponde.
Alors oui, le prix de ma production est certainement au-dessus de la moyenne mais je peux dire que pour ce qui concerne tant mes essaims que ma petite production de miel, il faut bien tout peser comme je
l'explique sur le site et ici en particulier..
En attendant, si le coté Apiculture vous intéresse, que ce soit à titre particulier, complément de revenus ou bien pour une reconversion professionnelle, je
me tiens à votre disposition pour en parler et que l'Apiculture soit équitable en commençant par chez nous. - Merci d'avoir pris le temps de lire cet article.
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