Quel salaire et quelle rentabilité pour l'apiculteur ? - par Bernard NICOLLET - Abeille & Nature -
Date de révision de la page: 05/07/2023
Cet Article est analysé en 4 parties. Vous êtes ici sur la troisième:
- 1/ - L'apiculture professionnelle,
- 2/ - Les moyens financiers indispensables avec étude de cas
- 3/ - L'apiculture pour quelle rentabilité et quel salaire ?
- 4/ - La mise en oeuvre et la Formation
. Combien gagne un apiculteur ?
A question simple, réponse simple : tout dépend de votre marché, de votre investissement de base, du nombre de ruches que vous êtes réellement capable de conduire sachant
encore une fois, bien que les chiffres soient annoncés très bas, qu'il faut avoir un minimum de 400 ruches pour parvenir à en vivre et vous sortir un salaire tout juste et à peine supérieur à celui d'un smicard en ayant payé toutes vos charges sociales et d'exploitation, TVA et impôts sans oublier vos fournisseurs. Je rigole des chiffres annoncés sur l'internet avec "2100 €" !!! Si tel devait être le cas, beaucoup d'agriculteurs se seraient immédiatement reconvertis ! Il ne faut pas confondre chiffre d'affaires et salaire !
De plus, comme il en est de même dans les métiers de l'agriculture, vous devez être prêt à ne pas compter vos heures, surtout en saison où le travail commence dès le lever du jour (et non pas du soleil) pour se terminer à la nuit tombante, auquel il faut ajouter le temps de rentrer si les ruchers sont situés à distance, ce qui est le cas dans la très grande majorité des cas.
Or, Disposer d'un cheptel de 400 ruches n'est pas une mince affaire comme nous venons de le voir ! D'une part, il y a la phase incontournable des investissements en matériels et cheptel, d'autre part, une fois l'investissement réalisé, il ne suffit pas de poser les ruches quelque part et de laisser faire jusqu'à la récolte. Les colonies ont besoin de soins, d'être surveillées, bichonnées et disposées de manière à avoir suffisamment de nourriture toute l'année. Ce ne sont pas les quelques arbres plantés dans vos vergers ou ceux des voisins qui nourriront vos abeilles.. il faut de l'espace et de bons biotopes.
De plus, 400 ruches, cela signifie au minimum 10 à 12 bons emplacements sédentaires, c'est à dire, capables de fournir de quoi manger aux abeilles toute l'année, à moins que vous n'optiez pour la transhumance, mais dans ce cas, il faudra ajouter à votre investissement les baux ruraux, les frais de déplacements et hébergements, gas-oil et autoroutes sans compter sur une main d'œuvre saisonnière supplémentaire.
En apiculture professionnelle, quand on possède 400 unités, il faut du temps pour s'occuper de son cheptel. Or avec une telle quantité de ruches, vous ne pourrez pas faire des visites régulières du couvain de chacune d'entre elle à moins de faire des visites "à l'arrache" et à toute vitesse. Conduire 400 ruches pour moi: c'est impossible et inconcevable quand on est seul surtout si l'on veut respecter ses abeilles ! Le conjoint devra impérativement aider, voire, avoir recours à de la main-d'œuvre passagère (ce qui va plomber le coût et la rentabilité de l'exploitation).
La saison apicole dure 5 à 6 mois tout au plus (selon les régions). Or, entre conduire les ruches, procéder au changement de vos propres reines, de vos propres essaims, conduire les transhumances, croyez-moi, il ne vous restera guère de temps pour dormir et ne comptez pas sur les week-end pour vous détendre et vous reposer ! En apiculture pro, on ne connait pas ce mot en dehors des mois de novembre ou décembre.
Enfin: parlons Prix du miel !
En pro, il ne sagit pas de vendre quelques pots de miel aux amis et connaissances. Il est nécessaire d'organidser son circuit de revendeurs et distribution. Vous croyez quoi ? Faire quelques marchés pour écouler votre production ? Bien sûr vous la vendrez en partie, mais en partie seulement. Si vous optez pour la vente directe, vous avez tout intérêt à bien valoriser votre miel et avoir une niche sinon, vous ne vous en sortirez pas.
Essayons si vous le voulez bien de dresser un schéma financier:
Avant de parler du Salaire d'un apiculteur:
Pour pouvoir se payer un salaire il faut inclure les charges sociales soit en gros et à la louche 40% en plus de ce que vous percevrez. Si vous comptez sur la vente au noir, c'est de l'argent qui ne rentrera pas dans l'entreprise et qui lui fera défaut tôt ou tard. Si vous visez cela, sachez que c'est du très court terme avant de mettre la clé sous la porte. D'autre part, quand vous rencontrerez votre banquier pour financer qui, l'investissement de la miellerie, qui, l'achat de ruches neuves, qui le remplacement de votre véhicule etc., ne vous étonnez pas s'il vous envoie sur les roses pour cause de bilan non sécurisant !
Si donc par exemple vous souhaitez 2000 euros de salaire, il faudra que votre exploitation soit capable de dégager environ 3000 euros de marge par mois. Vous me direz que cela ne représente jamais que 200 à 300 pots de miel à vendre. Une exploitation (et ses frais) ne se résument pas au chiffre d'affaires qui ne veut pas dire salaire. Vous devrez ajouter à cela les investissements du matériel roulant, des ruches, des essaims, du matériel de miellerie etc. etc. Bref, les frais d'exploitation et les remboursements de crédits. Un business-plan s'impose, mais attention à ne rien sur-évaluer et ne rien ommettre. Quand vous aurez fait celui-ci, divisez par 2 vos prévisions, ce sera plus sage, car elles sont toujours gonflées pour ne pas dire que trop hypothétiques. Il y a la réalité de terrain, souvent décevante
Un apiculteur débutant en milieu professionnel est lourdement désavantagé par rapport à l'apiculteur professionnel en place depuis 15, 20 ou 30 ans. Pourquoi ?
- L'aspirant pro doit rechercher des emplacements pour faire butiner ses abeilles. Il va donc générer beaucoup de frais de déplacements pour se rendre sur place afin d'évaluer les floraisons locales.
- Pour extraire 10 à 15 tonnes et plus de miel, il faut impérativement une miellerie équipée d'un bon matériel et non pas d'un simple extracteur. Il faudra par conséquent investir dans une vraie miellerie. Son amortissement se fera sur 5 ans ou plus.. Pendant 5 années, vous devrez rembourser l'emprunt (entre 800 et 1500 euros/mois selon la durée de l'emprunt et le montant de l'investissement qui représente au bas mot 60.000€.
- Le transport et le déplacement des ruches imposent l'achat d'un véhicule puissant (type 4x4) ou petit camion avec sa grue de levage, une remorque d'un PTAC de 3.5T soit un PTCRA de 5.5 T (Permis remorque obligatoire - soit 750 à 1000 euros par mois)
- L'achat de 400 ruches soit un investissement de 70 000 euros et un remboursement de 1000 à 1300 euros/mois
- Devoir posséder 400 colonies d'abeilles ! L'investissement est colossal si on veut le réaliser sur une année. il faut compter au minimum 60 à 80 000 euros.
Là mon conseil est de ne pas emprunter sur le vivant à cause du problème de mortalité possible. Vous avez intérêt à apprendre à maîtriser l'élevage afin de monter en puissance (Voir mes stages pro ici) Si tout le matériel en effet peut se revendre assez facilement sans décote sévère, en revanche quand on perd son cheptel, c'est foutu car même avec une aide à la re-cheptelisation, ce seront 2 années de perdues pendant lesquelles il faudra rembourser les emprunts. Or, ces aides, quand on y a droit, ne sont versées que seulement l'année suivante (et encore !), par conséquent, c'est souvent la clé sous la porte qui se profile d'entrée à très court terme.
Au total par mois, l'aspirant pro va devoir rembourser mensuellement entre 3000 et 4000 euros plus son salaire et ses charges sociales. Encore une fois, à cela viennent s'ajouter les frais de gas-oil, de déplacements, et de fonctionnement ajoutez une moyenne de 1500 euros. Le chiffre d'affaires minimum à réaliser s'élève environ à : 7600 à 8000 euros /mois soit vendre une quantité journalière de 30 pots de miel par jour, tous les jours pendant 5 ans ! Et là, c'est le chien qui se mord la queue car pendant que vous ferez les marchés et votre prospection, vous ne serez pas dans vos ruchers.
Par conséquent, vous allez devoir envisager de vendre votre production par le réseau des grossistes. Or, qui dit Grossistes, dit prix de vente divisé par deux par rapport à la vente directe autrement dit, il vous faudra produire au moins 20 à 30 tonnes de miel pour vous en sortir. C'est là précisément que la boucle est bouclée car 20 tonnes avec 400 ruches, c'est 50Kg de miel par ruche en moyenne. Ce n'est pas parce que vous y parvenez en amateur que vous multiplierez par le nombre de colonies ... (Perrette et le pot au lait).
Pour obtenir celle-ci, il vous faudra de très bons emplacements de butinage ce qui est quasi impossible en ruchers sédentaires mais seulement atteignable en transhumances. Si l'étude dont j'ai parlé plus haut indique une moyenne de 23Kg par ruche en moyenne, ferez-vous mieux qu'une moyenne nationale sur vos 400 ruches ? C'est tout le bien que je vous souhaite sincèrement mais votre apiculture ne doit pas s'établir sur des années de vaches grasses... il faut hélas subir (souvent) des années de vaches maigres (2012 en a fait partie tout comme 2013 et 2014).
Comparativement à l'apiculteur Pro déjà en place, celui-ci n'a pas besoin d'un tel chiffre d'affaires car son matériel est déjà amorti et compte tenu qu'il s'agit d'un matériel qui ne se renouvelle que tous les 20 ans si ce n'est plus, il peut se permettre pour un même CA, un salaire un peu plus décent ou bien un chiffre bien moindre.
Vous comprenez peut-être un peu mieux pourquoi, avant de devenir pro, vous avez intérêt à maîtriser le sujet d'une part mais, d'autre part, à monter progressivement en puissance !
Les abeilles ne se conduisent pas toutes seules et ceux qui ont fait l'impasse sur cette vérité l'on payé très cher la 3ème année si ce n'est avant. Bienvenue dans le monde du vivant !
En effet, au démarrage, le travail des ruches n'est pas trop demandeur et mangeur de temps, mais quand les colonies arrivent à 2 saisons complètes, il y a le remplacement des reines à prévoir,
remplacer les colonies qui se sont éteintes naturellement, traiter contre le varroa, prévoir le nourrissement automnal etc.. etc.. là, ceux qui ont un poil dans la main ne pourront pas s'en sortir.
Depuis que j'ai rédigé cette page, j'ai reçu au moins 4 témoignages me disant que je n'avais pas tord et dont l'un d'entre eux, le plus poignant, avous qu'il avait bien rit de mon propos dont il mesure toute l'importance maintenant.
. La rentabilité en apiculture professionnelle
L'apiculture pro est-elle rentable ? Oui et non.. tout dépend de 4 éléments:
- - de l'investissement de base,
- - de la compétence de l'apiculteur et sa maîtrise de l'élevage,
- - de la qualité du cheptel de base
- - de la qualité des emplacements
Et oui hélas, on se doit de parler de rentabilité en apiculture car on ne peut pas vivre que d'amour des abeilles et d'eau fraîche. Il ne faut pas adopter la politique de l'autruche mais bien calculer avant de se lancer.
La rentabilité en Apiculture peut peut être plus facilement atteinte dans le circuit court que dans le circuit long (Circuit court = vente directe au consommateur, tout circuit de distribution qui fait intervenir un minimum d'intermédiaires. Circuit long = vente aux grossistes, importateurs, réseaux de distribution etc..).
Cependant, comme nous venons de le voir, les investissements de base doivent répondre présents ! Pour envisager sérieusement de dégager un revenu minimal en apiculture, il faut, nous l'avons vu, démarrer au minimum avec 400 ruches, même si vous décidez de démarrer plus petit et patientez quelques années. Le problème réside surtout dans la capacité de trouver une telle quantité de colonies ou d'essaims si l'on souhaite démarrer sans traîner sur une exploitation saine. Or, le mot vitesse est un mot qu'il faut bannir quand on veut respecter l'abeille et son cycle biologique et ne pas aller au-devant d'ennuis sérieux. La rentabilité passe obligatoirement par la formation ou une expérience solide de l'élevage d'abeilles et de reines. Sans cette maîtrise, c'est un "droit dans le mur" assuré avec toutes ses conséquences !
Par conséquent, il est certainement plus que raisonnable de prévoir une montée en puissance sur plusieurs années en partant avec un cheptel de 200 essaims déjà en ruches + 250 à
300 ruches (vides) pour N+1 (qui accueilleront les essaims de l'année suivante), l'ensemble du matériel de miellerie, et enfin du matériel roulant. La première année étant uniquement consacrée à
l'élevage des essaims, il n'y aura aucune rentrée d'argent voir très peu si vous bénéficiez de bonnes miellées (mais seulement "si"). La seconde année, on multipliera le cheptel par 2 avec les
premières rentrées financières qui permettront de couvrir 1/2 Smig si tout va bien. A la fin de la 3ème année, on devrait atteindre l'équilibre financier à condition de ne pas connaître au cours des trois
premières années, une année cata du point de vue météo comme tel a été le cas en 2012.
La 3ème année est donc le pivot de la réussite ou de l'échec car l'entreprise est sur le fil du rasoir. L'apiculteur va devoir équilibrer en effet, sa production de miel mais aussi prévoir le
remplacement des reines du cheptel qui arriveront déjà en fin de parcours. En misant sur un tel renouvellement sans incident, le cheptel devrait atteindre les 500 colonies à l'hivernage en fin de 3ème année. En partant
sur une production moyenne de 20 Kg net de miel par colonie sur 400 exploitables (à moins d'avoir des emplacements exceptionnels), vous devriez produire 8 à 10 tonnes de miel. La 4ème année sera la seconde
année charnière car il vous faudra obligatoirement et impérativement doubler votre production pour atteindre les 20 tonnes.
Là se pose sérieusement le problème de la distribution de votre production car le circuit court va devenir problématique pour une telle quantité comme j'en ai évoqué quelques lignes un peu plus haut.
Vous allez donc avoir obligatoirement recours aux coopératives apicoles et grossistes mais qui pratiqueront eux, un prix d'achat bien inférieur.
Encore une fois, de nos jours et pour avoir des chances de réussir avec une montée en puissance à court terme, il faut prévoir un investissement minimum de 200 000 euros. En dessous, je conseille
vivement une montée en puissance plus longue sur 5 ou 6 ans. Si vous êtes toujours bien accroché(e), alors pourquoi pas ?
. Amateur ou Professionnel de l'Apiculture ?
En France, entre faire de l'apiculture en amateur et en faire son métier, il y a un très large fossé. Le système fiscal et social français du reste, avantage grandement les * "exploitations amateurs" dont les charges sont quasiment inexistantes si ce n'est qu'une cotisation solidaire forfaitaire à la MSA et une simple déclaration de revenus complémentaires sur votre feuille d'impôts annuelle (24,2% de charges en micro). Un amateur peut ainsi exercer avec un cheptel portant jusqu'à 81 ruches sans payer de charges sociales alors que si vous optez pour une apiculture pro, vous serez plombé par les charges, même en optant pour un régime fiscal au forfait, c'est un choix. Ceci étant, il semblerait que depuis le Grenelle de l'environnement, les choses commencent enfin à bouger un peu dans la règlementation, bien que ce soit encore une pagaille qui risque de décourager l'apiculture de loisir basique (moins de 10 ruches) à cause de démarches trop contraignantes et fliquées. D'un autre coté, en favorisant l'apiculture amateur (entre 50 et 80 ruches), on désavantage l'apiculture pro qui a du mal à joindre les deux bouts et qui est obligée de faire appel aux aides. Ce que je trouve aberrant, c'est que l'apiculture amateur peut elle aussi bénéficier de ces aides: comment voulez-vous vous en sortir avec un statut pro alors que le statut amateur est vraiment plus cool surtout si vous avez un job à temps partiel à coté (donc une couverture sociale assurée..) il vous suffit dans ce contexte d'obtenir un numéro de Siret pour vous, un autre au nom de votre conjoint et le tour est joué.. vous pouvez monter jusqu'à ... ruches (!) en ayant déclaré seulement un forfait d'imposition sur le revenu et deux cotisations solidaires à la MSA, ce qui vous donnera le droit de vendre votre production, en toute légalité avec une contrainte réduite (environ 13% du CA) des charges sociales et impôts que paye une société ou activité apicole pro.
Pour l'apiculteur professionnel, il lui faut à ce jour un minimum de 400 ruches pour arriver à boucler un budget "raz les pâquerettes". Au-dessus, il faudra envisager d'embaucher.. mais compte
tenu des charges supplémentaires que cela apporte, c'est difficilement envisageable.. L'apiculture professionnelle n'est envisageable que dans le cadre d'exploitation familiale à moins que vous ne comptiez
sur le salaire de votre conjoint pour assurer ou bien que vous disposiez d'économies substantielles. Si vous comptez vous en sortir seul(e), vous serez contraint d'investir lourdement, comme nous venons de
le voir, dans le matériel pour compenser en partie la main d'œuvre. Il vous faudra très vite acquérir votre permis remorque, un 4x4 puissant ou un camion, un engin de levage et chargement (type grue)
sans compter le matériel de la miellerie qui à lui seul représente un véritable et lourd investissement.. Si les investissements peuvent passer en charges d'exploitation, il n'en est pas de même en
apiculture amateur où il n'est pas possible de déduire quoi que ce soit donc en général, le matériel de miellerie se résume à un bon extracteur et de l'huile de coude. Si cette impasse reste possible les
toutes premières années de votre exploitation professionnelle, vous verrez que très vite, vous devrez vous résoudre à investir.
L'apiculture professionnelle s'inscrit dans un projet sur le long terme. Devenir apiculteur pro exclue d'office les décisions sur simple coup de tête. On ne devient pas professionnel de
l'apiculture sur un simple claquement de doigts même quand on en a les moyens financiers. Cela ne peut se faire qu'à la force du poignet, de patience et surtout d'un élevage réussi qui monte en puissance année
après année.
Devenir Professionnel de l'Apiculture:
Quelle est généralement la motivation première des personnes qui envisagent une reconversion professionnelle en apiculture ? Bon c'est entendu.. vous avez envie de changer de vie
et faire un retour aux sources n'est-ce pas ? Pour certains, c'est une sorte d'appel de la nature.. Les reportages TV ont un peu trop tendance à montrer le coté facile de l'apiculture.. Pensez donc ! on met
des ruches sur les toits de Paris.. et hop.. on fait du miel avec un label !. Mais a-t-on parlé des difficultés d'exploitation et de rentabilité ?
Effet de mode ? Je le pense et ce qui me donnera raison, c'est de constater justement qu'on cherche aujourd'hui des apiculteurs pour gérer les nombreuses ruches qui fleurissent sur les toit parisiens.
Mais un pro ne peut pas s'en sortir financièrement (à part peut-être un ou deux et encore..) pourquoi ?
Avant chaque montée d'escalier (même avec ascenceur), il faut trouver de la place pour se garer puis, il faut monter tout le barda, s'équiper, plus le temps de travail.. guère rentable tout cela (bien
que cela reste faisable). Et oui, nous voilà encore confrontés à un problème de rentabilité. Donc pour moi, envisager de s'occuper de ruches en ville, sur les toits, relève davantage de l'apiculture de loisir
plutôt que professionnelle à moins de vendre le miel au prix de l'or.
Rentabilité et existence durable en apiculture ?
Quand on observe ce qui se passe dans le monde de l'apiculture à l'échelle de la planète, on ne peut être que perplexe quand au devenir de l'apiculture en France et les pays à fort coût de main d'oeuvre. Avec la crise économique qui a plongé bon nombre de foyers dans le rouge, qui peut se permettre de consommer du miel en payant le prix fort ?
La grande distribution fait la part belle aux importateurs de miel qui grâce au manque de clarté de l'étiquetage trompent souvent le consommateur. Comment un apiculteur Français peut-il vendre un kilo de miel à moins de 10 euros en ayant payé ses charges, ses fournisseurs, en s'étant versé un salaire de misère sans oublier d'avoir mis du gas-oil tout au long de la saison pour faire vivre son exploitation?
Dans les pays à faibles revenus, les apiculteurs parviennent à gagner leur vie en s'unissant en coopératives. L'exemple des Apiculteurs argentins et tawainais sont riches d'enseignements. Bien sûr ce sont les exportateurs de ces pays qui pour l'instant "se gavent" en ne faisant que du business sur leur dos, mais quand on regarde justement ces petites coopératives qui grâce à l'internet parviennent à trouver des marchés en direct, on ne peut que se réjouir de voir qu'ils parviennent à s'en sortir.
Malheureusement pas l'apiculteur de pays dits "riches" qui ne peut pas lutter contre ces importations qui plus est sont parfois présentées en "commerce équitable". Ce qui est équitable d'un coté devient galère de l'autre et la balance n'est pas à l'équilibre.
Alors quelle solution pour nous, apiculteurs défavorisés par ces déséquilibres à part trouver quelques niches bien trop maigres pour faire vivre une filière entière ?
Un petit résumé:
Devenir Apiculteur Professionnel peut à l'inverse être issue d'un calcul basic des personnes qui possèdent déjà une petite dizaine ou vingtaine de ruches et qui, ayant réussi à
produire un peu de miel, multiplient dans leur tête le nombre de ruches. Elles obtiennent donc un résultat de kilos produits et en déduisent in fine un certain chiffre d'affaires.. qui logiquement devrait leur
permettre de s'en sortir. Quoi de plus simple et évident me direz-vous ?
Malheureusement, il n'en est jamais comme cela sinon cela se saurait.. (souvenez-vous de la fable de La Fontaine "Perrette et le pot au lait"). Il faut bien hélas convenir que si vendre une
quantité de 500 kg de miel en amateur est chose très facile, vendre plusieurs tonnes est un autre enjeu car cela oblige l'apiculteur à entrer dans un certain type de circuit de distribution pour vendre sa
production auprès de grossistes et autres acheteurs de grosses quantités de miel (GMS). Le prix de vente au kg n'a donc plus rien à voir avec celui que l'on paye sur un marché à l'apiculteur local et se
retrouve au minimum divisé par deux, trois et parfois plus. Or, pour assurer du volume, il faut un minimum d'investissements, et très certainement prévoir l'embauche d'un salarié au minimum saisonnier: ce qui
augmente et plombe considérablement le coût de l'exploitation comme je l'ai déjà fait remarqué un peu plus haut. Il va falloir envisager de faire de la transhumance et trouver des zones protégées de
l'agriculture tueuse d'abeilles. Or ce n'est pas avec votre bonne vieille R4 ou Express que vous pourrez envisager sérieusement de vous y mettre. Qui dit transhumance ou déplacements temporaires de ruchers
pour s'installer sur des cultures productrices, doit penser aux matériels et véhicules adéquats (donc des investissements coûteux et rentables uniquement sur le long terme). On peut toujours se rabattre sur
de l'occasion certes, mais il faut pouvoir compter dessus. D'autre part, les réinvestissements pour le remplacement ou les lourdes réparations vont également plomber la rentabilité sans penser aux conséquences d'une immobilisation en pleine saison (et oui hélas, pour vivre de l'apiculture, il est impératif de parler de rentabilité encore une fois).
Enfin, il faut tenir compte du fait que certaines années sont bonnes et d'autres moins bonnes quand il ne s'agit pas de conditions plutôt catastrophiques liées à la météo
ou aux pertes liées aux pesticides sur les cultures. N'oubliez jamais en effet qu'une année peut-être dite de vaches grasses mais vous pouvez aussi avoir plusieurs années de vaches maigres.. (Il faut avoir
un cœur solidement accroché à la passion). L'apiculture ne produit plus autant que ce qu'elle a produit voici une trentaine d'années. Il faut donc, non pas seulement une super dose de motivation, mais
il faut encore une fois de solides investissements sur le long terme. Et si l'on passe par le crédit.. il faudra rembourser.
Il est possible de penser qu'on n'a pas besoin d'autant de ruches pour s'en sortir ou bien que l'on se contentera de ruches d'occasion. C'est vrai dans l'ensemble mais en-dessous de 400 unités, il faut
avoir une "niche". Par exemple, produire un miel de très haute qualité qui n'entrera pas en concurrence avec un miel de grandes surfaces, produire de la gelée royale (ce qui impliquera
obligatoirement plusieurs années avant d'y parvenir), produire des produits de la ruche: propolis, cire, pollen, essaims etc.. ce sont bien des petits plus qui vous aideront à boucler vos fins de mois à
condition d'avoir des débouchés.
Si la première grande question concerne les investissements, la seconde grande question va concerner votre circuit de distribution. Si vous envisagez la vente directe, vous aurez certes une meilleure
marge mais vous allez passer votre temps à cela et quand vous serez présent sur les marchés, foires et salons, vous ne serez pas dans vos ruchers pour vous occuper de vos abeilles. Quand vous vendrez
votre miel à 13 euros le kilo et que l'apiculteur local amateur vendra le sien à 8,5 voire 9 euros ou carrément moins car il n'est pas plombé par les charges sociales et autres, votre miel risque fort de
vous rester sur les bras et vous serez contraint d'accepter la loi des grossistes et importateurs. Pour mon avis, ce n'est pas gagné d'avance sans une solide réflexion !
En tout dernier point, je souhaite vous parler "trésorerie". L'apiculture n'est pas un métier qui produit un salaire mensuel. On travaille plutôt par Campagnes saisonnières où le miel se
vend généralement d' Aout à Février. Ensuite, vous entrez dans votre saison "travail" et il faut tenir bon jusqu'à la mise en vente de la future récolte autrement dit, vous ne rentrez pas d'argent
pendant 6 mois de l'année. Savoir être économe et bon gestionnaire est aussi une qualité requise de l'apiculteur professionnel.
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